Aide psychologique à l’intégration d’un enfant avec des troubles du comportement

Paul est accueilli en CLIS en cours d’année (autre école, autre secteur), au milieu de son année de CP, après un maintien en maternelle. La CCPE prend cette décision face à une situation sans issue dans sa classe, malgré l’aide du psychologue scolaire : opposition ouverte aux règles, refus de s’asseoir ou de répondre aux consignes, agressions verbales et physiques sur les autres enfants et le maître, chapelets de mots orduriers à toute contrariété. L’examen des efficiences intellectuelles indique alors une efficience limite. En CLIS, l’adaptation est facilitée par certains enfants calmes de la classe et le savoir faire du maître. Elle reste précaire et liée aux conflits extérieurs : le maître explique que Paul est dans une famille d’accueil. Tous les enfants de sa fratrie de huit ont été placés après la dénonciation pour mauvais traitement de l’un des aînés. Quand il rentre de week-ends passés dans sa famille, les premiers jours en classe sont extrêmement difficiles. Il retrouve alors les comportements décrits en début d’année. Le maître souhaite une confirmation de ce qu’il pressent de l’efficience de cet enfant qui ne lui semble pas être à sa place dans la classe, composée de déficients intellectuels. Il note que Paul, qui refuse de produire à l’écrit, commence à lire. L’examen psychologique (avec les EDEI) confirme les intuitions du maître de CLIS. L’efficience de Paul est dans la moyenne des enfants de son âge, avec des réalisations exceptionnelles dans l’épreuve d’encastrement. L’efficience est soutenue alors par la mise en scène d’une relation brutale, insultes grossières continues au matériel auquel il s’adresse comme s’il s’agissait d’un enfant récalcitrant, violence des gestes des deux mains. La relation d’examen menace à tout instant d’être rompue : l’agression verbale et physique paraît viser tout autant le psychologue que l’autre invisible auquel il s’adresse. En tout état de cause, l’examen indique les conditions actuellement nécessaires à Paul pour qu’il fasse quelque chose de ce qui lui est proposé. L’enseignant conclut, et la CCPE en fin d’année après lui, qu’il serait prématuré d’imposer la présence de Paul dans une classe ordinaire, compte tenu de la rudesse de relation qu’il sollicite et entretient sur les apprentissages. Il reste en CLIS. En seconde année de CLIS, son enseignant propose à la maîtresse de CE1-CE2 d’accueillir Paul à mi-temps, le matin pour les apprentissages fondamentaux. Ce travail se met en place sans implication du psychologue, sur la base de ce qui est pressenti des possibilités d’apprentissage de Paul. Les premiers temps se déroulent sans heurt notable. Mais après deux semaines, une enseignante spécialisée rapporte divers désordres provoqués par Paul, à la cantine scolaire d’abord – il insulte et crache sur une surveillante – jusqu’à provoquer une réunion à laquelle  le représentant de la Mairie et le directeur de l’école convoquent les parents de la famille d’accueil et l’éducatrice. La situation se détériore dans la classe. L’opposition provocante, refus de joindre le rang, de monter en classe, grossièretés adressées aux adultes, destructions du matériel scolaire et finalement agression directe sur l’enseignante de la classe d’accueil disent l’impasse. Lors d’une rencontre à trois provoquée rapidement, l’enseignante de CE1 dit qu’il lui en a coûté de devoir réagir à des agressions de l’enfant sur elle-même. Elle insiste sur le rejet de l’ensemble des enfants de sa classe qui ne tolèrent pas les atteintes à sa personne ni la destruction du matériel scolaire : Paul aurait déchiré « l’optimath » ! Le maître de CLIS rapporte que la désorganisation actuelle semble consécutive à un événement extérieur : au moment où la mère de la famille d’accueil a dû être hospitalisée pour une opération, l’enfant a été adressé, sans en être averti semble-t-il, à une autre famille. Cela n’a pas duré longtemps, il est maintenant de retour, mais les dix jours qu’ont duré le changement ont été dix jours d’enfer en classe, marqués par le refus de rejoindre la classe de CE1. Je propose d’arrêter temporairement l’intégration partielle. Cette solution convient à la maîtresse de CE1, mais le maître de CLIS la vit comme un échec. Je suggère une conception de l’intégration qui nous convienne : pas un outil de contrainte, mais une possibilité offerte à l’enfant de trouver la place que nous pensons être la sienne. Paul met en question la place qu’il occupe à l’école, peut être parce qu’insuffisamment outillé (difficultés en math ?) pour en percevoir la légitimité, peut être parce que son parcours est objectivement perverti, hors des règles communes : un maintien en maternelle, un changement en cours d’année, une scolarité entre deux classes. D’autres ont mis en question, à l’extérieur, dans sa famille, puis dans sa famille d’accueil la place qu’il croyait occuper. En retour, en le tutoyant, il met en question l’enseignant, sa place et son rôle. Nous devons l’accompagner, dans son temps et dans son rythme : il veut retrouver sa place à part entière en CLIS, il la retrouve. Mais nous le considérons un élève de CE1 et le lui disons. Je propose parallèlement de le rencontrer régulièrement, pendant un temps indéterminé. Pendant le même temps indéterminé, je propose de me rendre dans la classe de CE1-CE2 et d’aider les enfants à s’exprimer sur la place qu’ils considèrent être celle de Paul. Lors de nos rencontres, Paul demande rituellement que je lui donne un jouet (membre d’un couple) qu’il emportera. Le refus que je lui oppose est l’objet d’une élaboration progressive au fil des rencontres, passant par différentes phases où l’on se donne la preuve que l’objet convoité peut être retrouvé la séance suivante. Afin de garder le contact avec l’école, la lecture et l’écriture, il dicte à la fin de chaque séance un résumé de ce que nous avons fait. L’écrit (que je n’interprète pas) ne laisse pas de doute sur le sens du jeu : itérativement deux animaux de même espèce sont en relation, un dans chaque main. Seul l’un des deux est nommé à la première rencontre, l’autre est « oublié ». Lors de la quatrième rencontre ils sont nommés, ensemble. A la cinquième rencontre, ce sont des humains, ils sont Paul et Le Psychologue. En classe le rythme suivi par la réflexion des enfants, en présence de la maîtresse est le même. Nous passons progressivement du refus maladroit à l’acceptation claire. Les enfants ont été très éprouvés quand leur maîtresse a été malmenée, mais ils ne craignaient pas pour eux mêmes. La quatrième séance, nous envisageons d’inviter Paul pour la prochaine fois. La cinquième séance, les enfants élaborent avec lui une stratégie de retour. Ce n’est pas idyllique, la menace de rupture est encore là : Paul face au groupe doit être calmé, rassuré, épaulé, au moment où son discours se défait ! En relation avec ce qui se joue dans le groupe à ce moment, c’est l’élément le plus perturbateur du groupe qui fait la proposition la plus concise : retour de Paul chaque jour, après la récréation pour l’enseignement du français. L’arrêt de l’intégration partielle aura duré un peu plus d’un mois, entre les vacances de Toussaint et les vacances de Noël, mais cela, nous ne le savions pas au moment de la décision de suspension. Cela appartenait à quelque chose dont nous n’avions pas la maîtrise : l’histoire et les temps de nos rencontres avec les enfants.
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