Atelier « L’éducation pour tous : bien public, de la petite enfance à l’université »

Soulignant les inquiétudes des ONG à voir le marché s’emparer de l’EPT notamment par l’utilisation perverse des TICE, il rappelle que le droit à l’éducation , son obligation et sa gratuité ont fait l’objet de nombreux textes depuis la déclaration universelle des droits humains jusqu’à la convention internationale des Droits de l’Enfant. Malheureusement si ces textes fondamentaux instituent l’éducation comme bien public universel, aucun d’eux ne préconise les moyens financiers à mettre en œuvre et on observe des inégalités épouvantables aggravées par des calamités comme les guerres, les famines , les épidémies comme le VIH/SIDA. Citant Bernard CHARLOT au Forum social de Porto Alegre qui définit l’éducation comme le processus d’hominisation permettant au petit d’homme d’accéder au statut de sujet , il souligne que l’un des but de notre atelier est de mettre en évidence comment les ONG se saisissent de cette problématique sur le terrain. Rappelant les engagements des gouvernements à Dakar 2000, de à faire en sorte que l’éducation pour tous, droit fondamental, condition du développement durable, soit un objectif atteint en 2015 il interroge sur le chemin parcouru et sur le chemin qui reste à faire pour que l’éducation soit effectivement un bien public et il passe la parole à Madame Nicole BELLA, membre de l’équipe chargée du rapport de suivi de l’EPT. Madame Bella présente ce rapport comme à la fois descriptif et analytique visant à sensibiliser les états concernés aux stratégies employées, leurs points forts et leurs faiblesses afin que les engagements pris à Dakar soient tenus . Le rapport 2003 est centré sur l’inégalité des genres, considérée comme une violation des droits fondamentaux . Toutes les études ont montré que l’éducation des filles et des femmes jouait un rôle primordial pour leur émancipation culturelle , sociale, économique mais aussi celle de leurs enfants, et qu’elle jouait un rôle déterminant dans le développement durable . Deux concepts centraux sont constamment mis en avant : parité et égalité des genres. Les résultats du rapport montrent que s’il ne convient pas de crier à la catastrophe , le triomphalisme n’est pas non plus de rigueur. En effet au cours de la décennie écoulée on constate une évolution positive globale, toutefois la disparité entre filles et garçons reste très importante . Parmi les 104 millions d’enfants non scolarisés, 57% sont des filles et dans toutes les régions du monde les femmes représentent la majorité des analphabètes. On observe aussi que la réduction des inégalités est liée à l’universalité de l’enseignement de base . Ce sont les pays qui sont le moins développés en éducation qui présentent aussi le plus fort taux de disparité garçons-filles. Sur les 128 pays analysés 54 ne vont atteindre la parité entre les genres ni en 2005 ni même en 2015 si on extrapole à partir des tendances actuelles . Un indice de développement de l’EPT a été construit à partir des 6 objectifs de Dakar .En fait seulement 4 de ces objectifs ont pu être opérationnalisés :
  • 1. % de scolarisation
  • 2. % d’alphabétisation adulte
  • 3. qualité de l’enseignement primaire
  • 4. parité garçons/filles.
On observe une forte corrélation entre la réalisation de la parité et le haut niveau de l’indice de développement de l’EPT. On s’interroge alors : Pourquoi les filles rencontrent-elles tant d’obstacles ? L’explication est multifactorielle mais on peut retenir parmi les facteurs principaux :
  • Le travail des enfants
  • Le coût de l’éducation
  • Le poids des traditions
  • Des conditions aggravantes telles que le sida, les maternités précoces, les conflits locaux ou régionaux, les contraintes diverses qui frappent davantage les filles En outre, l’école n’est pas toujours pour les filles un lieu sécurisant.
Enfin , lorsque les filles réussissent mieux à l’école que les garçons –comme dans la plupart des pays développés- elles ne transforment pas cet avantage dans la sphère économique et sociale. Claude VERCOUTERE passe alors la parole aux ONG afin qu’elles présentent rapidement le cadre de leur expérience qui ouvrira le débat avec les participants Première à intervenir, Madame Justine NKONTCHOU (OMEP-Cameroun) présente la situation de l’éducation de la petite enfance .Rappelant l’origine de cette éducation (1950 : les cases sociales ) et son évolution historique et sociale (d’abord les jardins d’enfants ,puis ,1972, l’école maternelle publique et privée) ,elle cite les grandes orientations de la pédagogie pré-scolaire telles qu’on les voit décrites dans le livreprogramme concernant les enfants de 3 à 6 ans qui prend en compte la diversité culturelle (langues, activités) .En 1975 est mise en place l’enseignement bilingue (Français/ anglais) et sont organisés des Etats Généraux de l’éducation. Tous les projets de réforme rencontrent des freins : la concentration bureaucratique, l’insuffisance des ressources et des outils pédagogiques ; les infrastructures ne respectent pas les besoins de l’enfant : peu d’aires de jeu, manque d’au, effectifs pléthoriques… Madame NKONTCHOU conclut sur la nécessité des réformes car, en dépit des efforts , l’investissement dans le pré-scolaire reste minimal alors qu’il s’agit d’un investissement rentable à moyen terme et bien davantage à long terme. Madame Sandy MORISSON membre du Bureau pour l’éducation des adultes dans le Pacifique- sud ( basé en Nouvelle Zélande) introduit son exposé par une déclaration traditionnelle en langue maorie. Elle décrit d’abord la région comme une multitude d’Îles-nations réparties sur 83 millions de km² réparties en 4 zones où sont parlées plus d’une centaine de 3 langues ;Dans les cultures traditionnelles , les relations humaines, le rapport avec la terre et avec la nature sont essentiels et les systèmes d’enseignement s’adressent à un collectif, pas à un individu . L’influence coloniale a conduit ces peuples à émigrer vers les centres urbains d’Australie et de Nouvelle Zélande où une éducation occidentale leur a été inculquée leur faisant perdre leur racines et leur culture . Les efforts d’acculturation dans la culture dominante –parfois avec les meilleures intentions du monde conduisent à se poser la question : l’éducation pour qui ? pour quoi ? Les modèles prévus pour des blancs urbains, imposés de l’extérieur, n’aident pas les jeunes issus de ces groupes. Les ONG concernées travaillent sur le terrain à renforcer les capacités afin de permettre aux communautés de se prendre en charge elles-mêmes . Les études de cas et leur analyse appuient cette démarche de formation . Si la communauté maorie est la plus avancée dans le développement de l’éducation (école primaires secondaires et universités) les autres groupes suivent également. Les centres d’apprentissage des langues locales connaissent un bon succès et l’expérience des ONG du pacifique Sud servent de référence aux autre nations indigènes du monde Samir JARRAR Point Focal de la Consultation Collective EPT pour les pays arabes nous fait part de la situation et du rôle des ONG au Moyen orient. L’éducation souffre d’un déficit de réalisation et de disparités considérables . Le droit à l’éducation de base de millions d’enfants, de femmes et d’adultes n’est pas respecté. On compte 60 millions d’analphabètes dans les pays arabes dont la moitié sont des femmes . Mais L’alphabétisation et l’éducation de base ne représentent pas toute l’EPT qui doit s’intégrer dans des programmes globaux . Plusieurs programmes ont été élaborés (il cite un manuel pour la formation des adolescents ). Il s’agit de promouvoir une approche fondée sur les droits de l’enfant en insistant sur :
  • La parité des genres ,
  • Les besoins des enfants dans les zones en crises : Palestine, Irak, Soudan…
  • La contribution des partenaires locaux en vue d’assurer une éducation de qualité et adaptée aux enfant et aux adultes L’un des avantages de l’EPT c’est qu’elle a permis le renforcement des ONG dans la région (malgré les réticences de certains gouvernements) . En 2002 une rencontre à Beyrouth a rassemblé 18 pays de la région ,Cette première expérience a été suivie d’autres réunions à Damas et à Amman.
L’orientation actuelle vise :
  • A renforcer les réseaux inter-ONG,
  • A mettre en évidence les meilleures pratiques.
  • A renforcer et clarifier les définitions.
  • A créer des terrains communs gouvernements/ONG.
  • A participer davantage aux relations internationales et à favoriser la publication de travaux en arabe et en anglais.
La dernière intervention du Panel est présentée par M. De KETELE professeur à l’Université Catholique de Louvain (Belgique) et titulaire de la Chaire UNESCO de Sciences de l’éducation à l’Université de Dakar . M. De Ketele propose d’examiner le rôle des universités et des institutions d’enseignement supérieur après le sommet de Dakar à la lumière du triptyque suivant: Il étudie ensuite les résultats de ces attentes dans les trois domaines traditionnels d’activité des universités : la formation, la recherche et les services . Pour la formation on s’attend que l’université forme des cadres compétents et impliqués , des enseignants compétents et engagés, et qu’elle mette en œuvre une démarche qualité : mais ce n’est pas (toujours) le cas . M. De Ketele au risque d’être perçu comme quelque peu provocateur par ses collègues universitaires , ne craint pas d’affirmer que les modèles utilisés ne permettent pas de former des personnes compétentes ; on accumule les compétences théoriques et lorsque on utilise le couple théorie/pratique, le lien entre les deux termes n’est pas fait . Un paradigme qui a montré son efficacité - pratique-théorie-pratique- est fort peu répandu . Pour la recherche, on attend des universités qu’elles mettent en œuvre des recherches sur les systèmes éducatifs , sur l’analyse des systèmes eux-mêmes en vue d’une aide au pilotage et des recherches sur des problématiques prioritaires et pluri-disciplinaires. Or au delà de la course individuelle au diplôme , l’élan de recherche s’arrête souvent ; rares sont les équipes pluridisciplinaires qui s’impliquent dans des travaux d’analyse des systèmes . Enfin en ce qui concerne les services offerts on attend ,en interne, des gestionnaires d’université capables de mettre en œuvre une démarche qualité et, en externe, des experts compétents capables d’étudier les problèmes en contexte avec les acteurs du terrain . Or les démarches-qualité sont quasiment inexistantes quant à la dénomination d’expert elle recouvre des réalités si disparates que le titre n’est plus une garantie . Des graines d’espoir cependant : On rencontre des gens- notamment dans les jeunes générations d’enseignants-chercheursprêts à s’associer pour faire face à un problème ; des projets de recherche répondant aux besoins du terrain existent (ex la création des tableaux de bord pour le pilotage des systèmes élaborés par les réseaux du GRETAF) ; On voit s’ébaucher ici et là des tentatives pour former sur place des consultants experts dans l’analyse des systèmes (expérience menée par la chaire UNESCO à Dakar ). Après la pause et en raison de la défection d’un sixième invité qui devait aborder le rôle des universités d’Amérique latine , Madame Moreau (FIUC)8 fait un exposé rapide des orientations actuelles des universités catholiques dans cette région . Rappelant les directives de Dakar faisant entre autre des éducateurs, moins des transmetteurs de connaissances que des facilitateurs , elle indique que les université latino- américaine ne forment pas seulement des spécialistes mais, de plus en plus, des personnalités citoyennes ouvertes sur les questions de société , apportant leur aide aux couches le plus défavorisées de la population Odile Moreau mentionne un certains nombre d’exemples , comme :
  • Les consultations d’assistance juridique à Pernambouc (BR).
  • La formation de leaders populaires et de spécialistes citoyens au service de la population .
  • Le centre de recherche de la FIUC qui coordonne des programmes de formation en Argentine, Brésil, Colombie, Pérou.
  • Le laboratoire inter-universitaire qui implique plusieurs universités dans des recherches actions , notamment à Buenos-Aires (Drogues et VIH), à Porto Alegre ( réinsertion des Sans-abri ) ; La perspective globale est de donner à l’université une mission de développement social engagé.
Ainsi en Colombie un projet vise à concevoir l’école comme espace à la fois social ,culturel et pédagogique ; un autre projet met en place une gestion des conflits sociaux dans la non-violence ; au Pérou une expérience tente de faire un lien monde urbain- monde rural auprès des migrants de l’intérieur en impliquant les instituteurs . Des programmes de la même veine sont également développés en Amérique centrale et un vaste projet inter-université et inter-continent va développer un programme de formation de formateurs sans frontière. Discussion : La parole est ensuite donnée à la salle qui s’exprime soit par questions écrites soit directement . L’implication des participants et parfois la passion mise dans les interventions montrent bien que la notion de bien public en matière d’éducation pour tous est un thème qui est sensible chez les représentants des ONG de l’UNESCO. Beaucoup de questions, s’accompagnent de témoignages d’expériences des ONG sur le terrain, portent sur la petite enfance ,une seconde série concerne les difficultés de mise en œuvre de l’EPT notamment auprès des filles ; une troisième série-mais elle est reliée aux obstacles à la mise en œuvre- concerne les points faibles des ONG et notamment les problèmes de coordination et de mise en commun des ressources ainsi que la reconnaissance des ONG par les gouvernements ; enfin un dernier thème qui demanderait un débat à lui seul (mais il a déjà été abordé à l’UNESCOnotamment à la dernière Conférence Générale ) , concerne la privatisation de l’éducation dans le contexte de la mondialisation économique et culturelle . 1. En prolongement de l’exposé de madame Nkondchou l’éducation de la petite enfance donne lieu à plusieurs questions et témoignages . La FICEMEA relate l’expérience des « Clos d’enfants », structures d’accueil pour 15 enfants encadrés en alternance par des mères (souvent analphabètes) à qui on propose une formation étalée sur deux ans (stage de base, stage pratique, stage de perfectionnement). L’OMEP souligne que lorsqu’on met en place un programme d’éducation pour la petite enfance, on permet aux filles qui ont en charge les plus jeunes , de se libérer pour être scolarisées à leur tour. Les programmes qui visent à éduquer les mères et notamment les mères célibataires (hygiène, nutrition…) permettent d’élever le niveau de survie et favorisent le développement durable . L’OMEP rappelle aussi que l’éducation de la petite enfance ne passe pas seulement par la scolarisation et elle souligne le rôle des structures informelles . 2. En ce qui concerne les difficultés de mise en œuvre de l’EPT, notamment pour les filles ,les obstacles sont divers ; on relève les difficultés relevant d’une insuffisance d’élaboration des projets : stratégies trop vagues, objectifs flous, ressources nécessaires mal appréciées, coordination peu ou pas assurée , évaluation non prévue .Pourtant- et c’est là aussi la graine d’espoir évoquée par l’un des intervenants - des pays ont su mettre en œuvre des projets qui marchent et qu’on peut donner en exemple . Il peut arriver que le déplacement des priorités pour répondre aux contraintes de mise en œuvre des plans nationaux , entraîne des effets pervers (OIEC) . Par exemple augmenter la scolarisation des filles en réduisant les ressources qui servaient à la scolarisation des garçons , ou réduire la durée globale de scolarisation (des filles et des garçons ) pour mettre en place un programme d’éducation en langue maternelle ne contribue pas à élever le niveau d’éducation pour tous. 6 Les ONG sont convaincues que l’EPT ne peut se réduire au lire écrire compter mais doit s’inscrire dans une démarche globale incluant une ouverture sur la vie , sur les compétences sociales y compris les compétences permettant de gérer les conflits et réduire la violence entre enfants et des adultes sur les enfants (Mouvement International pour la Réconciliation, Fédération La Voix de l’Enfant) . Pour ce qui concerne la partie de l’éducation pour tous qui relève de l’enseignement formel, l’amélioration du statu et de la formation des enseignants est un point crucial qu’il faut absolument traiter car la tentation pour les pays du Nord de recruter dans le Sud les enseignants qui leur manquent constitue un pillage intellectuel inacceptable (B’nai B’rith) Les ONG n’ont pas intérêt à agir isolément .Leur regroupement en coalitions les rend plus fortes par la mise en synergie de leurs compétences et en augmentant leur influence devant les gouvernements . les procédures de coordination sont nécessaires et il faut savoir utiliser celles qui existent (coordinateur national et régional pour l’EPT). Sur le terrain, dans les villages, il n’existe pas de ressources financières mais des ressources humaines qui peuvent se mobiliser a condition que ce soit la collectivité concernée qui assure cette démarche et s’approprie le projet(FICEMEA) .Mais pour autant on ne peut pas soutenir que tous les projets peuvent réussir sans support financier . C’est pourquoi le groupe de réflexion des ONG sur l’EPT préconise la création de fonds d’appui au partenariat (ONG/Collectivités locales/universités…)à l’initiative de l’UNESCO susceptible de mobiliser les énergies des acteurs et de relancer les projets en attente en particulier dans les pays dont on dit déjà qu’ils n’atteindront pas les objectifs de Dakar en 2015. 3. La question de la privatisation soulevée par l’Association Internationale des Universités remet bien en place le cadre de l’atelier et son titre l’éducation pour tous, bien commun .La privatisation est souvent redoutée des ONG qui craignent , à juste titre , de voir la loi du marché s’emparer de l’éducation en éliminant les projets non rentables en terme de profit financier immédiat . Dans cette perspective les technologies de l’information et de la communication peuvent réduire ou au contraire accroître les inégalité d’accès au savoir .Cette représentation demande cependant une analyse plus fine . Samir Jarrar (CC-EPT-Liban) indique que les établissements privés peuvent avoir –et ont fréquemment – un rôle utile. Toutefois ils doivent être soumis à un contrôle. La question de l’accréditation des formations est cruciale : quel organisme contrôle ? l’Etat doit il être le garant de la qualité de l’éducation par la validation des diplômes ? –Le concept d’institution privée n’est pas non plus homogène (JM De Ketele) : A côté d’universités privées fonctionnant –de plus en plus via Internet comme des entreprises de service à but lucratif, il existe des établissements à but non lucratif qui fournissent un service d’intérêt public.
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